Par LSA Oulahbib
Deux exemples, contradictoires, peuvent aider à illustrer cet état de fait, le commentaire de Lucienne Bui Trong (Commissaire divisionnaire honoraire. Ancien chef de la section «Villes et banlieues» à la Direction centrale des renseignements généraux) intitulé Violences urbaines : les raisons de la contagion dans le Figaro du 7 novembre d'une part, et, le reportage de Yves Bordenave et Mustapha Kessous intitulé Une nuit avec des "émeutiers" qui ont "la rage" dans Le Monde daté du 8 novembre. Deux exposés en totale opposition, comme s'il ne s'agissait pas des mêmes évènements, du même pays, presque de la même planète.
Ainsi autant la commissaire divisionnaire analyse, avec objectivité et réalisme semble-t-il, l'ensemble de ces incidents singuliers s'étant déroulé sans qu'il y ait eu, au préalable, un quelconque élément déclenchant (par exemple l'attaque massive, gratuite, qu'avait subi une manifestation lycéenne à Paris en 2004), autant les deux journalistes du journal Le Monde reproduisent, tel que, sans distance, ce que leur disent leurs interviewés, et ce strictement, à la façon de ces reportages orientés en Irak où quelques insurgés vont balader les journalistes acquis d'emblée à leur cause pour leur démontrer qu'ils sont l'Irak. Tout en soulignant que sans la présence américaine (sans la présence policière en banlieue) ils seraient des agneaux. C'est proprement confondant.
Comme si ces deux journalistes du Monde cherchaient, à tout prix, à démontrer seulement ce qui les intéresse, à savoir que "Voitures, entrepôts, gymnases sont les cibles de cette colère qui ne répond à aucun mot d'ordre, à aucune organisation", alors que la commissaire (dont la compétence ne peut guère être remise en cause) tient à souligner ceci :
"Dès 1995, avec l'apparition des portables, la violence a débordé des quartiers d'origine : incidents dans les centres-villes, affrontements armés entre bandes, raids contre des lycéens lors de manifestations. Depuis 1997, des émeutes ludiques, dénuées d'incident déclencheur, éclatent lors des fêtes de fin d'année et du 14 Juillet.
Enfermés dans une même contre-culture des banlieues basée sur le ressentiment et une haine attisée par l'actualité internationale, les casseurs potentiels s'exercent au quotidien, cultivent la contestation de la République et de ses institutions, propagent et entretiennent des rumeurs et des stéréotypes, ressassent les analyses explicatives de la violence qui les exonèrent de toute responsabilité personnelle".
Autrement dit, il est aisé pour des émeutiers sachant manipuler les médias, (anglosaxons tout autant, il suffit de voir certains reportages, vite faits, de CNN, d'obédience démocrate), de dire, montrer, exactement, uniquement, ce que les journalistes veulent entendre et voir.
Il ne faut donc surtout pas les prendre pour des idiots. Du moins si l'on sait faire la distinction entre intelligence et instruction. Ces émeutiers sont intelligents. Ils savent que pour justifier leur tentative d'imposer leur vision des choses il faut qu'ils touchent la corde sensible du misérabilisme censée être bien ancrée dans un journal de la gauche idéologique qu'est devenu de plus en plus Le Monde.
Prenons par exemple les termes "Karcher" et "racaille". Le premier fut employé à la Courneuve lorsqu'un bébé fut tué par le tir croisé d'une rixe entre deux bandes. Le second fut prononcé en réponse à une habitante qui, du haut de son balcon, demandait au ministre ce qu'il "allait faire pour en finir avec la racaille" avec un ton suffisamment ému pour signifier, peut-être, au ministre que cette personne irait voter Le Pen ou Villiers dans pas longtemps, d'où, sans doute, la réaction du ministre qui s'est mis à répéter le terme que, d'ailleurs, ces jeunes "sauvageons" emploient entre-eux (nous sommes de la caille-ra et nous en sommes fiers est un refrain banal des vieux tubes du rap en français).
Ils jouent donc la comédie, ces gentils émeutiers capables d'émouvoir les bien pensants, analystes es-sciences bien entendu de ce qui "ne- va-pas-en-banlieue". Tout en avançant, évidemment, une part de vrai, comme le disait Raymond Aron lorsqu'il expliquait pourquoi les communistes avaient eu un tel impact.
Nos gentils émeutiers s'appuient en effet sur les contradictions, les effets pervers de la société techno-urbaine et du monopole étatiste (voir nos articles précédents ci-dessous), ils utilisent les erreurs et les manques, profonds, d'analyse sérieuse, fondée, d'intervention politique digne de ce nom, pour continuer à asseoir une atmosphère de plus en plus invivable ; de telle sorte que les habitants non encore organisés dans l'économie parallèle et politico-religieuse de type islamiste, s'en aillent par exemple ; laissant la place à des territoires à conquérir, ou "reconquis", puisque les alterislamistes leur disent qu'ils sont les "indigènes de la République", ils doivent donc réclamer leur dû, une réparation, etc...
Nous nageons donc dans la confusion intellectuelle (à l'exception d'une poignée) et l'incurie politique essayant des méthodes mortes-nées depuis trente ans.