Misère permanente de la classe politico-médiatique française à propos de l'Irak

Les bornes de la manipulation et du mensonge idéologique ont été une nouvelle fois dépassées et d'une exécrable manière en France lorsque ce qui a encore le toupet de se nommer presse "libre" a du rendre compte de la visite du premier ministre irakien à l'ONU et au Congrès américain.

Qu'il s'agisse, évidemment, du Figaro (papier de Philippe Gélie du 24/09) se demandant si l'équipe de Bush n'a pas (ré)écrit le discours d'Allawi, ou, comme d'habitude, de Libération (papier d'Antoine Gaudemar du 24/09), accusant Allawi de voler au secours de Bush, et, bien sûr, du Monde (papier de Patrick Jarreau du 24/09) considérant la venue du PM intérimaire irakien comme un épisode de la campagne électorale de Bush, sans oublier les propos toujours si nuancés d'un Jacques Julliard (interview par Paul-François Paoli dans le Figaro littéraire du 23/09) accusant les USA de vouloir "détruire l'Europe" (et reprochant à Glucksmann et Roucaute de leur "obéir"), la certitude péremptoire, le mépris, (mais aussi le dépit de moins en moins compter dans l'Histoire du monde), coulent à flots, pis, deviennent les petits ingrédients d'une médiocrité qui passe pour une raison de vivre, bref, se diversifient en apparence pour se conjuguer rageusement en permanentes attaques insidieuses et pernicieuses ; de temps à autre hachées par quelques cris de victoire lorsque telle ou telle réflexion d'un responsable américain semble aller dans le sens de la grille de lecture accolée au réel ; telle par exemple ces temps-ci l'idée d'une conférence multinationale et régionale sur l'Irak.

Arrêtons-nous sur ce dernier point pour montrer à quel point la cécité dans l'analyse a sans doute atteint en France un point de non retour (à deux à trois exceptions près).

L'idée sous-jacente, -et semblable au fond à ce qui se pérorait lors de la pitoyable séance de soumission opérée durant la supplique organisée à grands fracas autour de l'affaire des deux "otages" français-, consiste à laisser accroire que "la" France, par sa science infuse des affaires "arabes", saurait réunir toutes les factions en lutte pour assurer une transition adéquate.

Sans se rendre compte (ou le sachant mais l'occultant) que tous les responsables irakiens partis prenantes du processus en cours, et en particulier les partisans de l'ayatollah Sistani, ont rencontrés depuis des lustres la plupart des factions (à l'exception sans doute des affiliés zarkawistes et benladistes) pour les inciter à entrer dans le jeu, mais elles ont refusé et absolument.

Autrement dit, un conglomérat de forces hostiles au processus politique, composé vraisemblablement d'anciens baathistes et d'islamistes affiliés à la politique husseinienne de construction du nouveau Califat, (illustrée par la première guerre du Golfe et le soutien actif aux forces hostiles au processus de paix entre Israéliens et Palestiniens), est puissamment à l'oeuvre aujourd'hui en Irak parce qu'il a bien plus à perdre qu'à gagner dans des élections libres.

Que peut-il en effet proposer comme politique générale puisque durant le règne de Saddam seuls la soumission et l'intérêt mafieux avaient droit au chapitre ? Il est évident que ce conglomérat ne peut pas laisser advenir une nouvelle classe politique plus proche de la préoccupation populaire au quotidien, sans oublier que ce serait la première fois dans cette partie du monde qu'il y aurait de réelles élections ouvertes.

Si l'on est un tant soit peu objectif, il va alors de soi que ce qui est nommé pompeusement "résistance" vise en réalité à interdire l'existence d'une telle émergence. Par ailleurs, il semble clair qu'au vu de la nouvelle situation, les forces proprement islamistes ont repris leur indépendance vis-à-vis des baathistes et ont décidé elles aussi d'empêcher, -mais à leur façon terrifiante calquée en réalité sur celle de Mahomet lorsqu'il prit le pouvoir-, que le processus en cours puisse arriver à stance, de peur que l'Irak achève de se retourner contre eux, ce qui leur enlèverait une base arrière qu'ils avaient déjà sous Saddam.

Car il est faux de prétendre qu'il existerait une opposition majeure entre baathiste et islamiste ; des documents montrent que même à l'époque de Nasser l'opposition entre eux était politique et tactique, nullement stratégique et idéologique puisque l'un et l'autre ont toujours eu en vue l'idée de restaurer l'âge d'Or "arabe", dont l'islam ne serait que le premier cadre, du moins pour les "nationalistes" (au sens arabiste du terme), ce qui n'était certes pas l'avis des islamistes, sauf que cette nuance n'a jamais été le corps majeur de l'enjeu entre eux qui se focalisait plutôt et comme toujours dans les affaires humaines sur le contrôle du pouvoir entre des factions aux intérêts tactiques divergents.

Autrement dit, même à l'époque où Nasser pendait des Frères Musulmans, et que Saddate fut assassiné, il s'agissait en aucune façon d'une lutte entre "laïcs" et "religieux", mais entre une vision pragmatique et une vision strictement idéologique de la même perception. Le fait que la vision idéologique ait gagné en Iran, a failli le faire en Algérie, avait triomphé en Afghanistan, se cherchait au Pakistan et se cherche encore dans les enclaves palestiniennes, ne peut pas évacuer le fait qu'elle a pris la tête du processus depuis le 11 septembre 2001, ce que précisément les baathistes cherchaient à contrer avec la première guerre du Golfe, et qu'ils sont aujourd'hui en train de rallier.

Cette grille de lecture permet alors de comprendre pourquoi infrastructure et superstructure sont systématiquement et conjointement détruites par les forces à la dois distinctes et aujourd'hui coordonnées des islamo-baathistes qui, lorsqu'elles traitent de "traître" tel policier ou responsable irakien, le caractérisent tel non pas par rapport à un quelconque patriotisme "irakien", mais par rapport à elles, à leur position politique qu'elles ne veulent pas perdre pour les unes, à l'Etat islamique qu'elles cherchent à construire pour les autres.

Une vraie "résistance" signifierait un réel soutien populaire capable d'organiser des manifestations monstres comme sait le faire par exemple le Hamas dans les territoires palestiniens qu'il occupe et régente, -(quoique même là, il n'est pas dit qu'il s'agisse d'une vraie résistance mais plutôt la base arrière de l'arabo-islamisme en voie de recomposition et ayant toujours refusé l'existence d'Israël).

Une telle "résistance" n'est évidemment pas de mise en Irak. Quand bien même les ressentiments supposés de certaines populations envers les erreurs d'appréciations américaines, ou les luttes stratégiques d'influence en son sein entre le concept d'abcès de fixation et la construction d'une réelle démocratie, qui n'aident pas à la clarification, c'est le moins qu'on puisse dire.

Sauf qu'il n'existe pas au sein de la Force multinationale, un pays ou groupe de pays qui auraient pu infléchir plus "rapidement" cette politique, surtout depuis que la France a décidé de rejoindre la coalition antiaméricaine pour des fausses raisons stratégiques d'influence ; comme elle le fit à l'époque du génocide rwandais en décidant de soutenir le gouvernement Hutu contre le front de libération Rwandais (composé de Tutsis mais comprenant également les Hutus dits modérés), résistance pourtant si l'en est, mais passé sous silence, et ce sous le prétexte fallacieux qu'il était soutenu par l'Ouganda, anglophone.

C'est cette perception là d'une politique étrangère surannée, archéo-napoléonienne, en ce sens qu'elle privilégie le prestige patriarcal des rapports de forces intangibles à la transformation sociale induite par la mondialisation des idées, des moeurs, des modes de vie et de la consommation qui les sous-tend, (pour le meilleur comme pour le pire), c'est cette politique là, celle du Quai d'Orsay, n'ayant rien appris du passé récent en Algérie, en Afrique, au Vietnam, qui mite de plus en plus la possibilité de créer une spécificité européenne capable d'une pédagogie, complexe, mais franche et sans embages, envers des régimes arabistes qui persistent à ne pas admettre que la roue tourne et qu'ils doivent passer la main ou se démettre; comme Kadhafi vient de le faire, du moins de l'amorcer (tout en restant aussi antijuif que possible néanmoins), alors que l'Iran persiste dans sa vision idéologique, à l'instar du Japon nationaliste et de l'Allemagne nazie, avec les conséquences que l'on sait, et qui ne vont pas tarder à s'amonceler dans un quitte ou double de plus en plus évident entre les forces les plus obscures de l'islam politique et les démocraties du Nord comme du Sud.

Loin de ces analyses et au mépris de la réalité, complexe, les politiques et les médias français, -toutes tendances confondues, ce qui prouve bien qu'autre chose est en jeu-, soutiennent une analyse superficielle et biaisée, persistent par exemple, et contre l'évidence sur le terrain, à parler de guérilla "irakienne", concept vague qui ne mange pas de pain, alors qu'il s'agit de supplétifs islamo-baathistes luttant pour préserver leurs privilèges multiformes.

La réunion qui s'est tenue ce week end à Bacouba a bien montré en quoi les anciennes factions favorisées par le baathisme et s'activant derrière les "insurgés" cherchent en réalité à signaler par ce fait qu'elles ne veulent pas perdre leurs privilèges dans le processus en cours.

L'aveuglement dans l'analyse s'étend donc; y compris d'ailleurs dans les détails du sordide au quotidien, sauf que cette fois les Français ne sont pas seuls, tant les médias "libéraux" anglosaxons tirent parfois aussi dans la même direction.

Par exemple lorqu'il est question de morts de femmes et d'enfants dans des opérations dites ciblées, -et lorsque cela arrive aussi en Israël c'est la même chose-, aucun de nos éminents observateurs n'arrive à se demander si ces femmes et enfants ne vivaient pas tout bonnement au sein du groupe visé; alors que, et très adroitement il faut le souligner, les médias directement à la solde de l'islamobaathisme, les présentent, uniquement et systématiquement, comme étant des femmes et des enfants "en général", c'est-à-dire sans lien d'aucune sorte avec les éléments totalitaires ciblés.

Or, il semble étrange que lorsque ces groupes sont visés, il n'y ait que des victimes collatérales... Il est pourtant clair qu'une des tactiques élémentaires de propagande consiste d'une part à minimiser les pertes, voire de les soustraire à la vue de tous, tout en y substituant d'autre part femmes et enfants afin de jouer sur la corde victimaire.

Conclusion fomentée et relayée par les médias français et libéraux anglosaxons : non seulement les Américains n'arrivent pas à réduire "la résistance", mais, en plus, ils tuent essentiellement des femmes et des enfants; ils sont nuls au fond (la preuve ? Bush voyons!), tant "ils" veulent tuer de "l'Arabe" relayeront les médias chiraco-gauchistes, vision qui aura des répercussions non quelconques dans certaines banlieues sous contrôle arabo-islamique en France et dans le monde.

Ce petit exemple montre bien comment une vision tronquée et violemment idéologique participent à la construction d'une haine antioccidentale, en réalité antimoderne, que l'on suppose toujours pourtant être la conséquence de l'intervention angloaméricaine alors qu'elle existait bien avant celle-ci ; tandis que, loin d'être attisée par cette dernière, cette haine s'auto-alimente au fur et à mesure qu'il apparaît évident maintenant que l'idéologie national-islamique se trouve en perte de vitesse ; à moins de monter aux extrêmes ; emportant avec elle dans cette fuite en avant vers la mort absolue les derniers vestiges tiersmondistes qui surnagent encore dans l'altermondialisme néoléniniste bakouniniste et archéoécologiste et qui aujourd'hui font cause commune avec elle à propos du voile et d'Israël.

Il serait peut-être temps de faire en sorte qu'en France une résistance, réelle, elle, se lève enfin pour sauver ce qu'il reste de ce bel esprit, fleuron pour celles et ceux qui veulent apprendre à penser librement.

LSA Oulahbib

Voir également :

Réflexion sur le meurtre (des Népalais) en Islam...

Otages français : crise de longue durée ?

Révélations des amis islamistes du Quai d'Orsay

Pourquoi le dieu des musulmans n'est pas le même dieu que celui du judéo-christianisme