Otages français : crise de longue durée ?

Au vu de la dernière cassette vidéo il semblerait que le dénouement, tragique, soit proche, puisque cette fois la menace criminelle de type mortelle a bel et bien été précisée ; et ce, soit dit en passant contrairement à tous ceux qui allaient jusqu'à penser que cet enlèvement était une erreur, et l'exigence un prétexte.

Or, et il faut rester au préalable un moment là-dessus avant de poursuivre l'analyse, s'il y a une chose de sûre dans cette affaire, c'est bien, d'une part, la préparation minutieuse de cette attaque, à quelques jours de la rentrée scolaire en France. D'autre part, et ce, encore une fois, à l'encontre de tout ce qui se dit généralement sur le genre d'ennemis auquel nous avons à faire face, il ne s'agit pas d'une frange radicale à l'extremum du continuum politique, à l'instar des groupes palestiniens, qui, d'un côté, aurait des revendications territoriales, et, de l'autre côté, serait par quelques biais influençable par des instances connues par exemple pour leur anti-américanisme et leur anti-occidentalisme.

Ce groupe ne correspond pas à ce genre de critères.

Il ressemble bien entendu à celui de Ben Laden, ce qui veut dire qu'il s'est construit à l'instar du groupe de Mohammed comme une contre société qui pose comme corrompu tous ceux qui ne le rejoignent pas ; le groupe d'Ibn Toumert à l'époque des Berbères Almohades en est un exemple ; mais les Berbères Almoravides également en ce sens que ces derniers se sont d'abord forgés dans le cadre d'une discipline de fer au sein d'un couvent-forteresse avant de monter à l'assaut de la société musulmane de l'époque.

Autrement dit, ce groupe agissant en Irak n'est pas du tout l'émanation de la guerre contre Saddam, contrairement à ce que certains prétendent, mais la frange avancée de ce genre d'islamisme soucieux d'imiter à la lettre la façon dont Mohammed et certains courants au sein de l'Islam ont pris le pouvoir au sein de la Communauté.

Il faut lire dans ce cas les attentats du 11 septembre, du 11 mars, et les combats actuels en Irak, comme une marque de fabrique qui cherche à rallier d'une part les franges radicales anticapitalistes en frappant le coeur de la finance mondiale, d'autre part, à marquer les esprit musulmans en frappant l'Espagne, cause supposée de la perte andalouse, cette illusion d'une supériorité islamique sur l'Occident moyen-âgeux de l'époque (alors que la civilisation andalouse était le résultat d'une intrication ibéro-juivo-berbéro-syrienne dans un cadre symbolique gréco-romano-byzantin), enfin, en Irak, il s'agit de rallier les franges dernières du nationalisme arabe qui pensaient qu'avec Saddam la construction d'un Califat capable de vaincre l'Occident était possible avec la construction à terme d'armes de destruction massive comme l'Iran et la Syrie tentent de le faire actuellement, la Libye ayant jeté l'éponge.

Cette explication préalable vise à montrer en quoi ce groupe est insensible à toute injonction, même venant d'Arafat jugé comme corrompu, ne parlons pas du gouvernement égyptien. Mais s'il arrivait qu'ils relâchent les otages ce serait uniquement pour des raisons tactiques.

Lesquelles ? Le fait que la rentrée scolaire en France se passe "bien" en ce sens que la loi contre les signes ostensibles serait détournée, le gouvernement donnant des conseils de souplesse, vidant la loi de tout contenu. Dans ce cas ce groupe pourrait décider de reculer. Mais il ne perdrait pas au change. Puisqu'il aurait montré que par son action radicale il peut faire plier la République française et donc une certaine idée de l'universel.

Certes, le gouvernement chiraquien pourra fort bien laisser croire que c'est uniquement par son poids qu'un tel résultat a pu être atteint. Cette illusion ne serait pas inutile pour le groupe de type benladeniste puisque, d'une part, elle lui construirait une façade politique acceptable pour les franges désireuses de le rejoindre puisqu'il aura prouvé de plus en plus l'efficacité de ses capacités stratégiques.

D'autre part, elle diviserait un peu plus le camp démocratique et universaliste en ce sens qu'elle donnerait des ailes à une politique de compromis historique cherchant à donner des gages à un islamisme lu par le Quai d'Orsay comme étant uniquement le produit de la crise israélo-palestinienne alors que celle-ci est plutôt la conséquence que la cause de l'effacement progressif de l'Islam comme vecteur décisif de l'Histoire mondiale.

Le Quai d'Orsay ne fait pas cette analyse (il était contre la loi sur les signes ostensibles) et les groupes islamistes benladenistes comptent bien se servir du Quai comme cette longue faille permettant de renverser le cours actuel de l'Histoire, c'est-à-dire la sécularisation de la majorité des populations musulmanes.

A ce stade de l'analyse, le fait que les otages soient, par contre, exécutés, n'en infirme en rien le contenu. Il exprimera seulement que ce groupe aura décidé de marquer la France d'une espèce de "11", fascinant par ce biais la frange islamisante de l'altermondialisme et du léninisme dégénéré, durcissant le débat sur l'islam en France, créant de fait une capacité à trier ceux qui acceptent sa direction, même s'ils la critiquent tactiquement, et ceux qui la rejettent et qui montreraient alors leur degré de contamination, surtout s'ils sont musulmans.

En conclusion, il est donc fort possible que cette crise soit de longue durée et se termine "bien" pour les otages, un peu à la façon d'un coup de semonce mais ce néanmoins selon les informations favorables au port du voile qui seraient glanées sur le terrain. Dans ce cas de figure, l'islamisme gagnera en force et se construira une figure des plus attractives.

Par contre si cela se termine "mal", ce type d'islamisme aura jugé qu'il n'a pas besoin de devenir populaire parce qu'il ne veut recruter que des éléments sûrs et respectueux de sa capacité à imiter à la lettre la tradition politico-militaire en Islam inaugurée par Mohammed.

LSA Oulahbib