Réflexion sur le meurtre (des Népalais) en Islam...

Une anecdote tout d'abord : un jour, en mai 2004, j'étais à Bruxelles invité par Moïse Rahmani au Cercle Ben Gourion pour discuter du sort des peuples minorisés et ce à partir de la présentation de ce poignant documentaire sur l'oppression, le meurtre et la fuite des Juifs des pays dits arabes depuis 1948 -dont Moïse a fait un livre (et moi la préface) ; puis, avec quelques amis nous sommes allés manger un couscous.

Quelle ne fut pas ma surprise d'entendre le jeune serveur, berbère, non pas se prétendre "arabe" et ce parce qu'il descendrait, lui et sa famille, de Mahomet (d'autant qu'il est du Maroc) j'ai l'habitude de ce genre de filiation imaginaire bien utile pour s'octroyer des privilèges, mais je fus tout à fait indigné lorsqu'il avança une vision inhumaine au sens littéral de tous les autres peuples dont le Coran ne parle pas. Ce serveur n'avait pas de mots assez durs envers les bouddistes, les hindoux, animistes, taoistes, qu'il considérait même comme des êtres inférieurs aux animaux. Leur mise à mort n'avait donc aucune conséquence.

Rien d'étonnant dans ce cas à ce que le meurtre des Népalais soit apparu comme une boucherie sans le décor habituel des décapitations individualisées. On égorge à la chaîne des gens qui ne font même pas partie du "Livre" (entendez le Coran). Tout en les traitant de traîtres, mais à quoi ? A l'Irak ? Au peuple irakien ? Non, pas du tout, ces Népalais et tous ceux qui tombent sous leurs griffes et leurs dents de vampires sont des traîtres par rapport à l'islam.

Ce qui veut dire que la nation c'est l'islam et l'Irak un simple espace à purifier sans qu'il soit question de lutte contre l'occupation ou de résistance à l'ennemi américain, mais de lutte contre tout ce qui incarne le non islam.

Mais, là, à ce stade, il faut aller un peu plus loin et se demander comment le meurtrier va agir concrètement. Il peut déjà se mettre en condition en se disant que la future victime fait partie du monde impur. Il peut lire tout un ensemble de versets coraniques qui parlent de malheur envers ceux qui ne croient pas, de l'enfer, etc, il suffit de se rappeler la littérature des islamikazes du 11 septembre parue dans la presse pour s'en rendre compte, seulement je ne pense pas que cela soit décisif pour déclencher, actionner la main qui va doucement, très doucement, trouer et trancher une gorge.

Il faut un cadre psychologique plus conditionnant, contraignant, plus porteur aussi, comme les exploits de tel ou tel guerrier, on l'a également lu dans la littérature benladeniste, pour imiter puiser la force et justifier le meurtre. Or, quel est le texte en dehors du Coran ou des livres relatants les exploits guerriers, qui permettrait excellement de faire une pierre deux coups, de donner de la force et de justifier sans problèmes la mise à mort, quel est ce livre sinon la biographie de Mahomet?

Si l’on s’en tient par exemple à un abrégé de la biographie de Mahomet telle quelle a été définie par Ibn Hichâm (Fayard, 2004, trad Wahib Atallah), -et que Louis Chagnon m'avait conseillé de lire parce que ce livre fut à la base de son cours incriminé- on peut y lire ceci (p. 232) :

« Exécution des Banû Quraydha (Sîra, II, 58-60). Le Prophète recommanda à ses compagnons : « Tout juif qui vous tombe sous la main, tuez-le » Ainsi, lorsque le Prophète l’emporta sur les juifs des Banû Quraydha, il prit près de quatre cents prisonniers et donna l’ordre de leur trancher la gorge ».

Page 277, ( Sîra, II, 240-241) il est question de la même tribu, six cents à neuf cents hommes, qui cette fois fut égorgé par le Prophète lui-même :

« (…) Il alla (…) sur la place du marché de Médine (…) et y fit creuser des fossés. Puis il fit venir les Banû Quraydha par petits groupes et leur coupa la gorge sur le bord des fossés. (…) Ils étaient six cents à sept cents hommes. On dit huit cents et même neuf cents. (…) Le Prophète ne cessa de les égorger jusqu’à leur extermination totale » .

Le meurtrier d'aujourd'hui peut d'autant plus en prendre exemple qu'il veut imiter à la perfection la vie de Mahomet qui s'était mis à l’écart de la société, diverse, et, en fait, très tolérante, de son temps, et a commencé à la défier, jusqu’à ce qu’aucune diversité de religion et donc de pensée ne puissent y survivre.

Puis sa capacité à jouer du mot et de la lame va d'autant plus effrayer et fasciner qu'il prétend que Dieu parle par sa bouche, mais, quand il tue, qui parle ? Dieu également par déduction. C’est une vraie politique de puissance et d'adoration de la violence divinisée qui s’installe. Et se déchaîne en sommant les «vrais croyants » de la rejoindre. On commence par être quelques dizaines puis des centaines enfin des milliers etc. C’est d'ailleurs un rituel qui parcourt l’histoire de l’islam d’un bout à l’autre.

Dans ces conditions le meurtrier d'aujourd'hui qui a certainement été mis au courant par son instructeur des exploits de Mahomet ne peut pas se mettre à douter sans qu'on lui fasse remarquer qu'il s'écarte de la "vie du Prophète", le véritable livre en réalité, le Coran n'étant qu'un ensemble de principes qu'il faut savoir appliquer. Or, c'est l'application qui pose toujours problème. Un seul moyen, réitérer à la lettre la vie de Mahomet, la copier, s'y insérer, jusqu'à se croire lui en lui avec lui.

Le fait de dire à ce meurtrier qu'il aurait mal lu le...Coran tombe évidemment à plat puisque le problème n'est pas là mais dans la vie même de Mahomet qui a fait tué et tué, des centaines de gens. Tant que le discours habituel sera uniquement de contextualiser en disant qu'il s'agissait de guerre (ce qui est faux, ces gens, Juifs pour la plupart, sont des prisonniers ayant refusé de se convertir ou de céder leurs biens), le meurtrier d'aujourd'hui n'en aura cure puisque pour lui le "contexte" est toujours là, ce "contexte" qui le force à ne pas imposer son islam, contrainte qui lui semble assez identique à celle que Mahomet subissait en son temps.

La seule solution qu'a trouvé l'islamisme issu du nationalisme arabe, (nationalisme soit dit en passant qui a toujours vu l'islam comme premier moment et fondement de son identité) consiste à imiter la vie de Mahomet, c'est d'ailleurs ce que les prétendants en Islam ont toujours fait, (je l'ai rappelé dernièrement à propos de l'affaire des otages français). Et imiter, c'est aussi accomplir, tout accomplir, et d'autant plus que la même personne que l'on imite losrqu'elle tue est connue comme étant aussi celle qui énonce Dieu.

C'est cette ambivalence, , qui ne me semble pas du tout comprise par tous ceux qui pensent que leur connaissance, exhaustive, du Coran suffit pour les établir comme experts es-islam. C'est bien loin d'être suffisant pour comprendre la psychologie du meurtre rituel.

LSA Oulahbib