Pourquoi Michaël Moore a perdu

Par LSA Oulahbib

La mauvaise caricature et la haine brute qui suintaient jusque dans les halls et les trottoirs de Paris contre Bush, à la façon des mises en transe programmées par roulement dans 1984 d'Orwell, ont été sèchement cisaillées par une victoire sans appel. Mais le conditionnement a du faire des dégâts.

L'on pourra toujours gloser sur le discours de la peur, le retour de l'ordre moral, le fait que même Madonna porte désormais des tailleurs austères à jupes longues, mais "it's too late baby" comme le disait Kerry pour se rappeler qu'il ne suffit pas de traiter tout le monde de ringards, de réacs, d'homophobes, de traiter Bush d'idiot et se demander si ses arguments ne lui ont pas été soufflés par une petite boîte placée dans son dos, pour contrer un vaste mouvement populaire refusant que l'on aille plus loin dans une destruction telle des critères de vrai et de faux, de bien et de mal, de beau et de laid (ce qui ne veut pas dire que leur contenu ne se discute pas), qu'il a fallu la piqure de rappel d'un Ben Laden pour se souvenir que l'on vivait dans une société ouverte, donc fragile, qu'exècrent tous les totalitarismes, surtout lorsqu'ils cherchent à fusionner contre la liberté leur suprême ennemi.

Je n'étais pas spécialement pour Bush et sans doute me serais-je abstenu. Ses positions sur l'avortement et les cellules souches ne sont pas ma tasse de thé. Quant au mariage gay, je préfère plutôt un pacs renforcé ou alors un dispositif permettant de ne pas rendre automatiquement possible le fait de s'occuper d'enfants puisque ceux-ci ont le droit d'avoir un père et une mère.

Mais, depuis le début, je n'ai pas apprécié que l'on rabaisse le débat à un constat sans faille sur le quotient intellectuel de Bush (critique d'ailleurs bizarre pour des gens, surtout en France, qui se sont sans cesse mobilisés contre ce genre de réduction) ; d'autant que je partageais complètement l'analyse qu'il coroborrait et qui fut effectuée après le 11 septembre par d'autres esprits lucides : le totalitarisme issu du nationalisme arabe allait, tôt ou tard, rejoindre son autre branche, l'internationale islamiste qui a fait sa jonction avec l'hypercommunisme bakounino-léniniste, pour aller encore plus loin que le 11 septembre, ce qui donna le 11 mars, en attendant la suite pour effacer cinq siècles de dite décadence.

L'argument fallacieux, que Kerry reprit en fin de campagne, sur le fait que l'intervention en Irak aurait créé plus d'islamistes qu'avant a été déjà réfuté par le 11 septembre puis le 11 mars. En fait, Saddam Hussein n'était plus qu'une entrave pour l'international arabo-islamisme tentant vaille que vaille de ne pas être emporté par la lave qu'il avait contribué à fabriquer. Les ADM étaient en fait ces larves d'islamikazes qui attendaient l'opportunité pour se transformer en vampires coupeurs de tête avides de sang, monstres sans foi ni loi hormis la haine qui les meut comme l'écrit si excellement Gluscksmann dans son dernier livre.

Les bombes humaines dont il parle ont été fabriqués à l'échelle industrielle par une culture de mort avec la bénédiction d'Arafat et tout le camp dit progressiste franco-anglais, solidaire en réalité de l'épuration ethno-religieuse araboismaliste, réitérant au fond ce qui a été liquidé en Algérie dans les années 1962, s'entraînant en Irak, avant de se répandre dans le monde.

Kerry, au début de sa campagne, semblait pourtant seulement souligner, à bon escient, les erreurs d'appréciation ou les stratégies à court terme des vieux conservateurs comme Cheney et Rumsfeld. Puis, comme s'il se faisait conseiller par ces plumes pérorant depuis si longtemps les mêmes erreurs d'analyse, Kerry se mit à remettre en cause les objectifs mêmes de l'actuelle campagne antitotalitaire.

Cette ambivalence lui coûta sans doute l'élection, parce qu'il était clair que Kerry avait changé, il se zapateroïzait, redevenait le démocrate mou habituel du genre Carter, voire Clinton, incapables de répondre fortement aux provocations iraniennes et somaliennes. Dommage.

Plutôt que de faire confiance à un Moore dont le Collaro show était tout juste capable d'initier les néophytes au nouveau comique de troupier inauguré par les montages et autres collages -(fallait-il par exemple que Bush jette cette petite fille, qu'il l'arrache de ses genoux alors qu'elle racontait son histoire et que l'interrompre brutalement n'aurait rien changé à l'étendue du crime ?)-, Kerry aurait peut-être dû plutôt réfléchir, s'il voulait être critique et porteur d'un projet, sur les dégâts du progrès, non seulement les problèmes de protection et d'éducation, mais aussi la difficulté de vivre entouré d'images sans en devenir une, sans les réfuter toutes en désirant les faire disparaître, alors qu'il s'agirait plutôt de s'en immuniser et d'en construire d'autres.

Au lieu d'une telle réflexion multiforme, inédite, prenant à bras le corps le monde qui vient, sans oublier le monde qui s'efface, Kerry a préféré se contenter de dénigrer, tout en proposant des solutions vagues et irréalistes telle que tenter de renouer les liens avec une Chiraquie dont l'unique objectif désormais consiste à remettre en selle Arafat (qui joue avec sa "maladie" pour détourner les soupçons) et toute la mouvance baathiste (en attente de mouveaux jetons de présence dans la future administration irakienne), au détriment d'un avenir démocratique et prospère. Puisqu'il s'agit uniquement de damner le pion anglo-américain; comme ce fut le cas au Rwanda. Au détriment du peuple. Celui qui saute, à Telaviv, ou à Bagdad.

Kerry n'a pas su comprendre qu'il n'avait rien à attendre du Moorisme, "too late baby" pour forger une stratégie à la hauteur des enjeux d'aujourd'hui.

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