Réflexion sur la mémoire courte, française, à propos du 11 septembre

En ce matin du 11 septembre j'ai reçu le courriel d'un ami américain qui m'a touché :

"And now? Qui, en France, se soucie de se souvenir du 11/09/01? Les gens ont-ils la mémoire courte, ou bien, l'oubli (apparent) est-il volontaire? Il me semble que trop souvent, la haine de George W. Bush les aveugle; ils se trompent immanquablement d'ennemi.
Je n'aime pas utiliser des phrases comme "insondable tristesse" mais ne trouve rien de mieux, pas pour l'instant."

Je lui ai répondu :

Le 11... Exceptions mises à part (Kepel, Montbrial, Lellouche) la classe politico-intellectuelle française, dominante, influente, s'est peu à peu rangée dernière l'analyse de l'extrême gauche américaine (Moore, Chomsky) surtout depuis l'attaque contre Saddam qui a mis en cause sa politique arabe... Dans ces conditions, et de façon similaire à ce qui s'est réellement passé au Rwanda, l'élite française cherche à limiter l'influence anglo-saxonne en fermant les yeux de peur qu'en les ouvrant elle découvre sa propre misère...

J'aimerais aussi ajouter encore quelque chose, -(alors que je m'étais promis de rester silencieux, faute de temps, par lassitude et tristesse aussi, Le 11 fut pour moi une tragédie. Une blessure profonde, comme si l'on me coupait un bras ; et puis Yves Roufiol, chaque semaine, dit si bien les choses comme le souligne Simon Pilczer sur le Net régulièrement)-, :

La crise des otages français et celle maintenant des otages italiennes montrent toutes deux que le monde n'a pas affaire depuis le 11 septembre (et au fond bien avant) à une confrontation locale, partielle, utilitariste, mais globale et minutieuse.

Le fait par exemple de demander que "les musulmanes" soient "libérées" en "Irak" devient la première boule de billard pour toucher toutes les dites musulmanes du monde (seconde boule, puisqu'il n'y a pas de distinction de nationalité dans l'islam(isme), sauf par ruse, dissimulation tactique) afin d'atteindre la troisième boule, les musulman(e)s qui prétendent s'accommoder avec la loi républicaine, l'universel humain des droits fondamentaux de la personne. Ce qui implique de faire signe aux femmes, aux voilées, ces maillons faibles, qui se voient confortés, défendus, et paradoxalement pris en otages mais à la façon du syndrôme de Stocklom.

En effet, si les otages français et italiens sont assassinés, les voilées du monde entier, les voilées à la française sauront que cela aurait été fait pour les libérer d'un islam sinon illusoire du moins impie puisqu'il accepte la loi républicaine (d'où l'impossibilité de remettre les otages français à ses représentants français la semaine dernière).

Voilà ce que cela veut dire appeler à "libérer les musulmanes en Irak" puisque chaque musulmane du monde de doit de se montrer solidaire de la Communauté. Ne seront-elles pas ainsi honorées ?

Le voile devient dans ce cas et de plus en plus un étendard, un drapeau non plus d'une foi mais d'une absence de l'autre par sa suppression (in)volontaire ; tué, sacrifié, éliminé parce qu'il est autre et à distance.

Le 11 fut l'amorce d'une telle stratégie travaillant sur l'imaginaire et la représentation de soi dans le monde, au coeur des gestes et des pensées, afin d'en arrêter le cours, immobiliser le présent, le cristalliser dans l'horreur. Est-ce le dernier chant de cygne d'un mouvement en déclin ? Rien n'est moins sûr s'il arrive à se construire une base arrière forte parmi les anti-américains européens et...américains.

LSA Oulahbib