Par Jeffrey Robert Arsham
Suite aux atrocités du 11/09/01, la fermeté peu belliqueuse (mais oui!) et le zèle libérateur du Président George W. Bush ne me laissaient pas de marbre ; démocrate depuis toujours, jécoutais avec une gratitude émue un chef dEtat le mien - dont la légitimité électorale prêtait à discussion et dont les programmes domestiques en faisaient un Robin des Bois à lenvers qui prêtait sans vergogne aux riches.
Bush proposait de punir non seulement les malfaiteurs (the evil doers) mais également les Etats qui les abritaient et les protégeaient. Il entendait agir en employant le cas échéant de la préemption ; nous nallions plus nous contenter dattendre la prochaine attaque terroriste : pas question de céder le pas à la crainte, au tremblement
Trois ans plus tard, le même homme vient de recevoir une nouvelle investiture américaine, mais son discours dinvestiture ne ma guère touché ; je ne parviens ni à minspirer de ses phrases pourtant professionnellement façonnées ni, par ailleurs, à y trouver grand chose à redire.
Il est vrai que lors des conventions politiques quadriennales, les orateurs font régulièrement assaut de truismes et nont que trop tendance à enfoncer les portes ouvertes tout en prêchant à longueur de semaine les convertis. Dautre part, certains (notamment les candidats à la vice présidence) se complaisent à dénigrer, à noircir ladversaire quils ne haïssent pas forcément pour autant ; la promotion de propositions programmatiques nouvelles et novatrices semble figurer parmi leurs préoccupations les moins accaparantes.
Les délégués rassemblés nétaient donc nullement en prise directe avec lactualité toujours mouvante, pas plus je me hâte de lajouter que la plupart des contestataires de divers bords qui sen prenaient à un épouvantail en carton-pâte surnommé « Bush » et faisaient de leurs manifestations une occasion de se défouler, alors que lIrak se remet péniblement (je ne dis pas que Bagdad brûle !) des trente toutes sauf glorieuses de labominable Saddam, dont je tiens à souligner le caractère singulièrement sanguinaire de la tyrannie conjuguée à la dictature au sens propre
Pendant que les Républicains fêtaient bruyamment mais avec une curieuse absence denthousiasme leurs retrouvailles programmées à quelques encablures du site du World Trade Center, des mécréants à la fois assassins et suicidaires sévissaient à Beersheba, en Ossétie du Nord, en Irak (cf. le massacre de douze journaliers népalais).
Bon nombre de mes compatriotes américains ont beau aspirer à en découdre avec les avatars dune forme rétrograde mais "connectée" de totalitarisme ; au fond deux-mêmes ils sont restés insulaires, provinciaux, peu attentifs aux soubresauts du monde extérieur, sauf dans la mesure où leurs parents et leurs proches risquent den subir le contrecoup. En un mot, ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Il importe de préciser que cette absence de perspective cosmopolite nest pas en soi une tare rédhibitoire ; les Américains sont assez peu susceptibles dêtre embrigadés ; les imaginer sous la botte de George W. Bush, cest méconnaître à la fois leur farouche indépendance et les convictions républicaines (dans les deux sens du vocable) de ce dernier.
Je ne suis pas favorable à sa réélection mais ne considérerais pas non plus celle-ci comme une catastrophe. Il ne sagit ni dun abruti anciennement alcoolique (sait-on que son sevrage sest fait de manière autonome et dautant plus louable ?) ni un esprit simpliste à lexcès ; en guise de conclusion, jinvite le lecteur à se pencher sur les propos quil a tenus assez récemment, dans un entretien dont la transcription paraît dans la livraison de cette semaine de Time Magazine : «Lutte idéologique de longue durée, la guerre contre la terreur est pourtant quelque peu mal nommée («somewhat misnamed, though»). On devrait appeler celle-ci la lutte dun point de vue totalitaire qui utilise la terreur comme outil dintimidation des hommes libres («tool to intimidate the free»).»
On notera au passage le glissement sémantique qui altère de manière judicieuse et révélatrice la signification du nom « lutte » (struggle) ; le véritable «lutteur», cest lapôtre du totalitarisme. Ennemi redoutable, son éradication sera laffaire de toute une génération.
Mes amis européens en ont-ils seulement conscience ?
Jeffrey Robert Arsham
04/09/2004,
voir également du même auteur : Je suis déçu de John Kerry