Par LSA Oulahbib
En écoutant la passe d'armes à propos de l'islam entre Dantec, Duhamel et Besson à l'émission de FOG le mercredi 7 septembre sur la 3, les mêmes erreurs resurgissent, cela bute, et donc la réflexion échoue nécessairement. Duhamel et Besson reprochent en gros à Dantec de ne pas tenir compte que le nationalisme en général et le christianisme du Moyen-âge ont ces aspects totalitaires qu'il semble ne voir uniquement que dans l'islam. Sous-entendu : à force de critique en interne, d'avancée démocratique, l'islam se réformera lui aussi et deviendra cette religion tolérante tant vantée et qu'il serait même déjà par certains aspects. Sauf que deux objections peuvent être avancées à l'encontre de cet apriori.
Premièrement, Duhamel et Besson semblent raisonner précisément comme les dits "néocon" -qu'ils critiquent (ailleurs) avec véhémence sur ce point précis, lorsqu'ils pensent que la démocratie pouvait être construite en Irak sans coup férir et en tout cas pas du tout parce que l'islam s'y opposerait. En gros, il suffirait que Les Lumières arrivent enfin en islam et celui-ci se transformerait.
Or, la seconde objection réfute ce point en posant déjà que l'on ne peut guère comparer, du point de vue de l'appel à la conversion violente, à la dissolution de l'individu dans le groupe, à sa soumission à des principes non discutables, l'écriture même de la Bible, du Nouveau Testament, et du Coran. Dans ce dernier, le texte commande, exige, la présence de ces trois principes. Par ailleurs, il ne faut pas confondre le jeu politique des élites et la façon dont elles manipulent les textes.
On a eu ce genre de débat : est-ce chez Rousseau, Voltaire, se demandait Gavroche, que naissent les racines du mal ? Est-ce Marx ? Est-ce dans les propos de Jésus que l'on peut dénicher les graines de l'Inquisition ? Pour éviter l'amalgame, il faut trier : si le christianisme n'a pas fini en totalitarisme c'est sans doute parce que des freins existaient au sein du texte lui-même. Quant à la Bible on ne voit guère où se situerait les racines d'un expansionnisme universaliste. Sur Rousseau, Voltaire et Marx, il faut nuancer, se demander comment ils furent lus (ou pas) par Saint Just et Robespierre. Quant à Marx, nul ne peut nier certains de ses propos élogieux sur la dictature du prolétariat, même s'ils furent tempérés par Engels. En tout cas Lénine s'en empara, dévia, appliqua, tout en se référant, sans cesse, à Saint Just et Robespierre.
Tout ceci pour dire que certains textes ont, plus que d'autres, des velléités à promouvoir l'intolérance, la mise à l'index, ce qui n'est pas le cas de la Bible, et encore moins du Nouveau Testament, c'est pourtant le propre même du Coran qui désigne, nommément, Juifs et Chrétiens comme des menteurs et des falsificateurs. Que Dante ait mis Mahomet dans son Enfer ne peut cependant pas être mis sur le même pied qu'un propos de Jésus lui-même. Enfin, lorsque l'on parle des croisades il ne faut pas oublier que les commentateurs musulmans de l'époque ne les désignaient pas en ces termes mais parlaient de guerre contre les Francs ou les Saxons, et étaient bien plus impressionnés par l'arrivée massive des Mongols qui rasèrent Bagdad...
La pirouette de Besson, aidé par d'Ormesson, avançant que "tout le monde serait méchant" dévoile plutôt un relativisme grossier qui n'aide en rien à comprendre pourquoi l'Europe du Moyen-âge, celle-là même qui devrait tout à l'islam au dire de ses nouveaux théologiens (reprenant en réalité l'argument désormais classique du nationalisme panarabiste et panislamiste), a réussi à sortir des supposées ténèbres et à proposer peu à peu au monde un modèle qui pose les libertés de penser, d'entreprendre, de partager, comme des facteurs nécessaires, même s'ils s'affrontent dialectiquement en permanence.
On ne voit guère ce genre de mouvement dans l'islam, surtout après des décennies d'indépendance, qui interdisent de laisser croire que les dites "séquelles du colonialisme" seraient la cause même de son actuel immobilisme, voire de sa recherche effreinée d'un sursaut de puissance qui effacerait sa décadence présente.
Il est regrettable que Duhamel et Besson ne voient pas en profondeur la dramatique des enjeux et préfèrent s'en tenir à des comparatifs évolutionnistes qui ajoutent à la confusion du débat au lieu d'en tenter la clarification, au moins sur le texte même du Coran et surtout sa sacralisation qui interdit la moindre critique, ce qui n'est pas le cas de la Bible et du Nouveau Testament, du moins si l'on ne confond pas ces deux textes avec les institutions humaines qui prétendent les incarner, seules. N'oublions pas que la naissance du protestantisme vient précisément de cette volonté de ne pas confondre spirituel et temporel. N'oublions pas ensuite, comme le dit le Grand Arnauld (et son écrit fut mis à l'Index) que Saint Pierre fut ce Juste auquel la Grâce manqua trois fois...
J'ajouterai en final que c'est peut-être pour cela que Jésus aurait choisi Pierre : en affirmant que l'Eglise est faillible, même si elle s'auréole d'infaillibilité papale...On ne repère guère ce genre de dialectique dans l'islam.