La Minute du sablier

Les USA qualifient de génocide les tueries au Soudan. Khartoum et les milices arabes en sont responsables, déclare Powell. Par Glenn Kessler, et Colum Lynch Rédacteurs au Washington Post, Vendredi 10 septembre 2004, page A 01 Traduction française de Simon Pilczer, volontaire de l’IHC Le Secrétaire d’Etat (Ministre des affaires étrangères US, ndt) Colin L. Powell, a déclaré pour la première fois hier qu’un génocide s’est mis en place au Soudan et que le gouvernement de Khartoum, et les milices arabes parrainées par le gouvernement et connues sous le nom de Djanjawides « portent la responsabilité » des viols, tueries et autres sévices qui ont conduit à priver de foyer 1,2 millions de Noirs africains. La déclaration longtemps attendue de Powell – résultat de mois d’investigation et de discussions à l’intérieur du Département d’Etat (Ministère des Affaires étrangères US, ndt) – a pour but d’augmenter la pression sur le gouvernement soudanais pour mettre fin à la violence dans la région du Darfour au Soudan. Mais les organisations et les groupes d’aide aux réfugiés ont déclaré que cela allait rendre beaucoup plus dur pour l’administration Bush de se sortir de ce problème si ses efforts diplomatiques n’aboutissent pas. Parlant au Comité sénatorial aux Affaires Etrangères, Powell a déclaré : « nous avons conclu – J’ai conclu – qu’un génocide a été commis au Darfour et que le gouvernement du Soudan et les Djanjawides en portent la responsabilité – et qu’un génocide peut encore se produire ». La déclaration de Powell est intervenue alors que les Etats-Unis avaient commencé des négociations aux Nations Unies pour une résolution du Conseil de Sécurité qui menace d’envisager de nouvelles sanctions contre le Soudan s’il échoue à dissoudre les milices, et appelle à l’établissement d’une commission d’enquête de l’ONU pour déterminer si le Soudan et les milices sont responsables du génocide. La découverte d’un génocide n’impose pas d’obligation aux USA, mais en tant que signataire de la Convention sur les génocides de 1948, les USA se sont engagés à prévenir et à punir un génocide. Les officiels soudanais ont réagi avec colère à l’annonce faite par Powell, disant que cela allait seulement rendre plus difficile la résolution de ce qu’ils décrivent comme un problème intérieur. Aux Nations Unies, les officiels de nombreux pays membres du conseil de Sécurité ont exprimé une réserve selon laquelle la déclaration de Powell allait compliquer les efforts pour gagner un large soutien à une nouvelle résolution. Aussi bien l’Union Africaine et la Ligue Arabe ont déclaré qu’il n’y avait pas de génocide. L’Union Européenne a déclaré qu’elle ne possédait pas assez d’information. Powell a cité le rapport délivré par le Département d’Etat hier qui a découvert un « ensemble systématique et à large échelle d’atrocités commises contre la villageois non Arabes ». Le rapport, basé sur 1.136 entretiens avec des réfugiés cet été, dit que 61 % d’entre eux ont été les témoins de tuerie d’un membre de leur famille, et 16 % ont été violé(e)s ou ont eu écho d’une victime de viol. Environ un tiers ont entendu des injures racistes quand ils étaient attaqués, dit le rapport. Pour le moment, une déclaration de génocide par les États-Unis a peu d’effet pratique. Mais survenant au milieu d’attaques continuelles, il donne « l’imprimatur » à la nation la plus puissante du monde pour une mise en accusation sérieuse et grave contre le Soudan, pouvant mettre en œuvre une enquête qui aboutira en définitive devant les tribunaux pour crimes de guerre. D’autres exemples récents de génocide, tels que ceux du Rwanda et du Cambodge, ont été reconnus seulement bien longtemps après les crimes. Quand Powell a visité le Darfour en juin, il a refusé de répondre aux questions pour déterminer si les sévices se quantifiaient en génocide, disant « Ce que nous observons est un désastre, une catastrophe, et nous pouvons trouver la bonne désignation pour cela plus tard ». Le congrès des USA à depuis fait passer une résolution pressant l’administration de qualifier la situation au Darfour de génocide, et le gouvernement soudanais a échoué à se plier à la résolution de l’ONU votée le 30 juillet et appelant à mettre fin à ces souffrances. Les officiels du Département d’Etat familiers des délibérations avec Powell ont déclaré qu’il a décidé la semaine dernière qu’il avait besoin de faire une déclaration claire à l’audition sénatoriale. Pendant le week-end, il a emporté chez lui le rapport du Département d’Etat et en a conclu que Khartoum était complice de génocide parce qu’il a mis le gouvernement en garde il y a deux mois, exposant ce que les officiels devaient faire pour mettre fin à la violence, et qu’ils n’ont pas agi. Un autre facteur dans la décision de Powell était que le Soudan est signataire de la convention des Nations Unies de 1948 sur la Prévention et la Répression du Crime de Génocide, qui définit le génocide comme un effort calculé pour détruire un groupe religieux, racial ou ethnique en partie ou dans sa totalité. La convention appelle les signataires à prévenir et à punir un génocide. « Les actes sont clairement génocidaires » a déclaré un officiel US senior familier du débat. « La question était l’intention » du gouvernement. La Grande Bretagne, l’Espagne, l’Allemagne, membres du Conseil de Sécurité ont soutenu les efforts des USA pour établir une commission d’enquête. Mais quelques diplomates européens ont exprimé la réserve que la déclaration de Powell allait compliqué les efforts pour obtenir un plus large soutien. La Chine a prévenu qu’elle pouvait opposer son veto à la résolution, notant qu’elle ne croyait pas qu’un génocide était survenu. « Il y a des problèmes au Darfour, mais nous ne les considérons pas dans cette catégorie », a déclaré Wang Guangya, ambassadeur de Chine auprès des Nations Unies. Le conseil devrait « venir avec des idées constructives pour aider à résoudre le problème, et non pas rendre le problème plus compliqué ». L’ambassadeur du Pakistan, Munir Akram, a dit que la déclaration de Powell a affaibli le dossier de Washington devant la commission, parce qu’il a préjugé du résultat. « Si vous le qualifiez d’emblée de génocide avant même l’enquête, je pense que cela peut être plus difficile ». Lynch a fait son enquête aux Nations Unies.