Par LSA Oulahbib
A supposer que cette journaliste française Florence Aubenas et son interprète Hussein Hanoun Al Saadi aient été enlevés par les forces anti-irakiennes islamo-sunnito-baathistes et non par des crapules de droit commun, une question se pose, alors que nombre de journalistes étrangers restent en zone, écrivent et ce hors de leurs hôtels : pourquoi la cible est française alors que précisément la France se trouve du bon côté du point de vue islamo-baathiste ?
Une réponse plausible peut être conjecturée : une nouvelle fois, la France serait sommée de jouer les bons offices entre le gouvernement intérimaire irakien, la Coalition, et les kidnappeurs pour que ceux-ci puissent préserver leur billes dans la structuration des futures institutions.
Ainsi, par un paradoxe dont l'Histoire a le secret, la proximité française au niveau stratégique et idéologique ferait d'elle une cible isolée et facile dont on espère la docilité pour qu'elle n'oublie pas la promesse faite lors de la libération des deux journalistes précédents et rappelé avant la réunion en Egypte début décembre 2004 : celle d'intercéder. Mais aussi en vue de continuer à brouiller l'image irakienne en France, ce maillon faible.
En fait, les ravisseurs islamo-baathistes n'enlèvent pas de journalistes anglosaxons parce qu'ils ont besoin d'eux pour se répandre médiatiquement de par le monde, mais ils kidnappent des journalistes français pour continuer à construire leur fantasmagorie anti-irakienne qui est présentée en France pour une résistance du peuple irakien ! Ce tour de passe passe doit donc être revivifiée de temps à autre, surtout à trois semaines d'élections préliminaires.
Cette exigence peut ne pas être du goût du Président de la République, lassé de jouer au petit télégraphiste. De là à ce qu'il demande aux journalistes français de ne pas faire leur métier, il y a un pas que Robert Ménard de Reporters sans Frontières et Antoine de Gaudemar de Libération, ont eu raison de ne pas franchir. Parce qu'il est tout de même curieux de leur déconseiller de faire un métier que leurs autres collègues étrangers font, dans les mêmes conditions.
Il était bien sûr de bon ton cet automne de vilipender la Coalition (et à vrai dire depuis un an et demi au fond) pour "le manque de sécurité". Sauf qu'il était aussi rationnel de penser que si "résistance" il y a elle serait ravie de faire parvenir à l'opinion mondiale les méfaits anglosaxons, en particulier en se servant de journalistes français si compréhensifs dans leur écrasante majorité. Ce qui apparemment n'a pas été saisie comme opportunité. Pourquoi ? Comment se fait-il que cela soit plutôt des journalistes français qui se fassent enlever ?
N'est-il pas légitime de se poser une question dont l'esquisse de réponse souligne qu'à force de jouer avec le feu, l'on se brûle ? Parce que l'on ne peut plus faire cavalier seul devant un ennemi capable de kidnapper les journalistes les plus ouverts pourtant à leur cause supposée ; il y a là une contradiction qu'aucune dialectique ne peut surmonter, hormis celle du cynisme, bien sûr, à même de défendre tout et son contraire...