Le pire n’est jamais sûr

Par Jeffrey Robert Arsham


A l’instar de nombreux démocrates américains, j’avais commencé à me faire à l’idée d’un deuxième et dernier mandat accordé à l’équipe de George W. Bush, que les uns et les autres « diabolisaient » à mon avis à outrance. J’étais déçu de John Kerry, dont le fil rouge de la campagne électorale était loin de se dégager de manière évidente et convainquante, voire conquérante.

Or le débat du 30 septembre était d’une bonne tenue. La série de monologues successifs prévue a cédé le pas à une sorte de face-à-face par modérateur interposé ; peu disposés à se laisser enfermer dans un cadre prédéterminé, les expressions faciales et les gesticulations des mains des candidats – notamment GWB - crevaient un tant soir peu le (petit) écran.

C’est que le chef d’état sortant a du mal à acclimater le débat contradictoire ; habitué à des auditoires sympathiques parsemés de poseurs de question qui lui tendent une perche, Bush est comme allergique à la discussion qui tourne à l’aigre ; ses incessants tapotements de doigts trahissent une impatience qu’il peine à dissimuler ; sa répétition de réponses à l’emporte-pièce tient davantage de la magie incantatoire (comment faire confiance à un type qui change si souvent d’avis, répète-t-il de manière obsessionnelle…) que de l’argumentation rationnelle.

Quant à Kerry, ses gestes semblent embrasser au lieu d’exclure ; on dirait que sa vision des choses (et notamment de l’enjeu irakien) englobe bien plus qu’elle ne délimite et répartisse le territoire ; en un mot, c’est la politique de la main tendue ; ce n’est pas de sa faute si, par rapport à certains dirigeants européens dont Jacques Chirac n’est pas le dernier, ses paroles risquent de tomber dans l’oreille d’un sourd ! (Celui qui met constamment les bâtons dans les roues des Américains coupe également l’herbe sous le pied du candidat démocrate actuel…)

Autre contraste : Alors que Bush – qui tente de faire valoir sa constance, son opiniâtreté, son souci du suivi…- semble promettre la reconduction de l’identique (more of the same), Kerry ne tient pas à ce que la politique étrangère de son pays continue sur sa lancée ; en même temps on ne le sent aucunement disposé à jeter le bébé dans l’eau du bain (ce qui veut dire, en l’occurrence, abandonner les Irakiens, même s’il préfère toujours que l’argent du contribuable de son pays finance la constructions de casernes de sapeurs-pompiers non pas à Bagdad, mais à Boston ou à Buffalo…).

Le lecteur peut en conclure que si Bush ne dévie pas d’un iota de sa démarche assez périlleuse, Kerry se contredit tout le temps, y compris au beau milieu d’une énième phrase « à rallonge » ! Or, le débat du 30 a généré d’autres appréciations ; si le premier se heurtait à un mur, le dernier se frayait lentement mais sûrement un chemin parsemé d’embûches mais navigable. En un mot, il a su relancer une campagne électorale plutôt morne et désagréablement axée sur les états de service militaires passés des deux candidats ; le chemin en question a beau manquer pour l’instant de destination aisément atteint ; le terrain à parcourir n’en sera pas moins celui dont le choix incombe non pas au républicain, mais plutôt au démocrate !

Est-ce que l’éventuelle victoire de George W. Bush serait redevenue hypothétique pour autant ? Rien n’est moins sûr ! La machine électorale de la GOP (Grand Old Party) est souvent d’une efficacité redoutable ; tel un rouleau compresseur, on sait qu’il ne fait pas dans le détail (alors que le démarrage si poussif de Kerry laissait penser au diesel…). Cela dit, de mon point de vue et sans nullement prétendre à la représentativité, tous les espoirs sont de nouveau permis.

Châtellerault,
Jeffrey Robert Arsham

03/10/2004

voir également du même auteur :

Je suis déçu de John Kerry

Le discours d’investiture de Bush ne m’a guère touché